SÄGGÄ
SORCIÈRE D'ARADII'YAH
Dans une forêt lointaine et mystérieuse, où les arbres semblent danser au gré du vent et où les murmures des ruisseaux résonnent comme des chants oubliés, se cache un royaume d'ombres et de secrets. En son cœur, niché parmi les arbres séculaires, se trouve le repaire de Säggä, une sorcière redoutée et énigmatique. Mais Säggä n’a pas toujours été la figure terrifiante que l’on craint aujourd'hui. Autrefois, elle était une femme d'une beauté radieuse, l’épouse aimante d’un noble influent et la mère de deux enfants adorés.
Cependant, depuis son plus jeune âge, Säggä portait en elle une ombre, un mal latent, enfoui dans son cœur. Des accès de colère inexpliqués, des pensées sombres et une fascination pour les aspects les plus sinistres de la vie la hantaient, même alors qu’elle tentait de vivre une vie ordinaire. Personne ne soupçonnait la noirceur qui grandissait en elle, pas même Säggä, qui croyait que son amour pour sa famille et sa vie de privilèges suffiraient à la maintenir sur le droit chemin.
Ce mal, qui n’avait jamais vraiment disparu, attendait le moment propice pour émerger. Lorsque sa relation avec son mari, autrefois dévoué, commença à se compliquer, la jalousie et le ressentiment de Säggä se renforcèrent. C’est dans cet état de fragilité émotionnelle qu’un mystérieux étranger apparut. Il lui offrit un collier orné d’une pierre précieuse unique, aux sombres teintes de noir et de rouge : la Katalyst. L’homme, toutefois, n’était pas aussi innocent qu’il paraissait, car il faisait secrètement partie de la Loge de l'Ombre Éternelle, un culte voué à restaurer l’essence du dieu déchu Senrazzar en manipulant la noirceur des âmes humaines
Säggä, ignorant la véritable nature de la pierre, accepta le cadeau sans méfiance. Pour elle, ce n’était qu’un bijou magnifique, sans envergure, qu'elle porta sans se douter des sombres pouvoirs qu’il renfermait. Ce n’était pas un simple ornement, mais un artefact ancien, renfermant l’essence d’un dieu maléfique déchu. La pierre semblait vibrer au rythme des battements de cœur de Säggä, amplifiant ses peurs, sa jalousie et sa colère. Le mal qui sommeillait en elle depuis l’enfance trouvait enfin un écho dans cette pierre maudite.
Le collier avec la Katalyst sertie
LA DESCENTE DANS LA FOLIE
À cette époque, la famille de Säggä séjournait dans leur résidence secondaire, un manoir isolé au cœur de la forêt, utilisé principalement pour la chasse. Ce lieu, entouré d’une nature sauvage et éloigné du tumulte de la vie urbaine, devint le théâtre de la tragédie qui allait sceller le destin de Säggä.
Puis vint le soir où tout bascula pour Säggä. Le crépuscule tombait lentement, et l’atmosphère dans le manoir était lourde, presque oppressante. Son mari, un homme autrefois aimant, s’était assombri ces derniers mois, distant et préoccupé, jusqu’à ce soir où il décida de briser le silence. Assis dans le grand salon, il annonça froidement à Säggä que leur mariage était terminé. Il lui expliqua, sans une once de remords, qu’il avait trouvé une autre femme et qu’il comptait refaire sa vie avec elle. Non seulement il la quittait, mais il exigeait également qu’elle quitte le manoir, qu’elle abandonne la vie qu’elle avait connue jusqu’ici.
Les mots résonnèrent dans l’esprit de Säggä comme une sentence irrévocable. Le visage de son mari, autrefois si familier et réconfortant, lui apparut soudain sous un jour cruel, trahissant tout ce qu’elle croyait avoir construit avec lui. Une vague de colère, nourrie par des années de frustrations et de doutes, la submergea. Elle se leva brusquement, tremblante, le regard déformé par une rage que même elle n’avait jamais ressentie auparavant.
Säggä éclata. Les souvenirs de sa jeunesse, de ce mal latent qui avait toujours été là, affluèrent soudainement, se mêlant à la douleur de la trahison présente. Sous l’influence de cette colère, la situation dégénéra rapidement. Säggä se précipita dans une autre pièce du manoir, où se trouvaient leurs enfants. Dans un accès de folie, elle tua l’un de ses fils, animée par une rage vengeresse, désirant infliger à son mari la douleur insoutenable de découvrir le corps inanimé de leur enfant.
Mais tuer son premier fils ne calma pas la rage dévorante en elle. Au contraire, cela éveilla quelque chose de plus sombre encore. Avec un calme glacial, elle attrapa son fils survivant par la main et l’entraîna hors du manoir. Ce n’était pas la Katalyst qui la guidait alors, mais une fureur aveugle et une volonté de briser tout ce qu’elle avait aimé. Elle se dirigea vers un ancien cercle de pierres, un lieu caché au plus profond de la forêt, chargé de vieilles magies et de mystères ancestraux.
Elle savait que son mari, réalisant la disparition de son fils, se lancerait à leur poursuite. Et c’est ce qu’il fit. Paniqué, il s’enfonça dans la forêt, suivant les traces laissées par Säggä et son enfant. Lorsqu'il arriva enfin au cercle de pierres, la scène qui l’attendait était terrifiante. Säggä, tenant son fils par l’épaule, l’obligea à se tenir au centre du cercle. Elle était là, menaçante, un poignard empoisonné à la main.
Son mari se précipita pour sauver leur fils, mais Säggä l’attendait. Dans un geste calculé, elle plongea le poignard dans sa chair, le poison se répandant instantanément dans son corps. Il s’effondra, blessé mais encore conscient, incapable de sauver son fils qui tremblait de peur devant lui. Säggä acheva alors l’enfant sous les yeux de son mari mourant, le laissant assister à l’horreur avant de lui porter le coup fatal.
Le corps de son mari s'effondra à son tour, et le silence retomba sur le cercle de pierres, témoin des atrocités commises. Säggä, désormais seule avec sa folie, comprit qu’elle avait franchi un point de non-retour. Le mal en elle, réveillé et amplifié par les circonstances, avait pris le dessus, et elle savait qu’elle ne pourrait jamais revenir en arrière.
LA MALÉDICTION
Elle retourna au manoir, hantée par les échos de ses propres actes. La Katalyst, toujours autour de son cou, semblait se nourrir de cette tragédie, pulsant d’une lueur sombre. Prise de dégoût et de terreur, Säggä arracha le collier de son cou et le jeta dans une pièce sombre du manoir, espérant se débarrasser de l’objet maudit. Mais il était trop tard. Le mal qui l’avait poussée à commettre ces actes ne venait pas uniquement de la Katalyst, mais de l’obscurité qui avait toujours résidé en elle.
Les esprits anciens de la forêt, gardiens des lois naturelles et équitables, ne pouvaient laisser un tel acte impuni. En punition pour les meurtres de ses enfants innocents et de son mari, ils maudirent Säggä, la liant à la forêt qu’elle avait autrefois chérie. Elle devint une partie intégrante de ce lieu, incapable de le quitter, condamnée à errer à jamais dans l’ombre des arbres séculaires.
À mesure que Säggä se fondait dans la forêt, celle-ci se transforma, devenant le miroir de la noirceur grandissante en elle. Les arbres, autrefois verdoyants, prirent une teinte sombre et inquiétante, leurs racines se resserrant sous la terre comme les doigts d’une main sinistre. Les sous-bois, denses et impénétrables, bruissaient de murmures et de formes fuyantes, des échos de la malédiction imprégnant chaque brin d’herbe, chaque feuille. Säggä, désormais une avec Aradii’yah, exerçait un contrôle absolu sur la forêt, manipulant plantes et racines, les transformant en armes vivantes et en pièges redoutables. Mais cette transformation attira quelque chose d’encore plus sinistre.
Les filons de Katalyst, vestiges cristallisés de l’essence du dieu déchu Senrazzar, commencèrent à croître dans les profondeurs obscures de la terre, attirés par la malédiction de Säggä et l’énergie noire qui régnait sur la forêt. Ce n’était pas une volonté consciente qui émanait des pierres – Senrazzar avait été détruit depuis des siècles – mais une résonance muette, une empreinte spectrale si profonde qu’elle réagissait à la noirceur qui infestait Aradii’yah. Les fragments de Katalyst, répondant instinctivement à cette sombre vibration, s’étendaient sous les racines, s’enroulant autour des fibres du sol comme un poison silencieux.
À mesure que ces filons proliféraient, Säggä sentit l’équilibre de son pouvoir vaciller. Les racines autrefois dociles se faisaient capricieuses, parfois réfractaires, comme si quelque chose, dans les profondeurs, cherchait à usurper sa domination. La Katalyst, fusionnant peu à peu avec la structure même de la forêt, agissait tel un parasite, gagnant du terrain dans le sol et défiant l’autorité de la sorcière. Ce n’était pas Senrazzar qui s’éveillait, mais un écho résiduel de son essence, s’alimentant de la malédiction de Säggä pour croître.
Déterminée à ne pas laisser la forêt lui échapper, Säggä se lança dans une traque implacable, déterrant chaque filon de Katalyst qu’elle pouvait localiser. Ses alliés, les esprits sylvestres, autrefois fidèles serviteurs de son pouvoir, devinrent ses éclaireurs, la guidant vers les pierres maudites tapies sous ses pieds. Elle arrachait chaque fragment des entrailles de la terre, les broyant avec une rage froide, laissant des cicatrices sombres là où elle extirpait chaque morceau. Mais cette guerre la marquait aussi ; chaque filon de Katalyst détruit semblait imprégner la forêt d’un mal plus profond, un lien sombre qui rendait Aradii’yah plus sinistre et inhospitalière.
Säggä, maîtresse d’Aradii’yah, combat l’influence rampante
de la Katalyst, chaque filon menaçant d’usurper son pouvoir
dans les profondeurs de la forêt maudite.
La forêt, autrefois refuge de vie et de mystère, devint un territoire maudit où la lumière elle-même semblait refuser de pénétrer. Les arbres tordus et menaçants formaient un mur impénétrable, un bastion pour défendre leur maîtresse. La forêt se resserrait, étouffant toute lumière, transformant Aradii’yah en un royaume d’ombres mouvantes et de terreur. Ceux qui osaient s’aventurer dans ces bois sentaient la présence de Säggä tout autour d’eux, les racines et les ronces vivant comme des extensions de sa volonté, prêtes à se dresser pour piéger quiconque s’approcherait de trop près. Pourtant, au-delà de la sorcière, certains percevaient la présence muette de la Katalyst, une force sans voix, mais imprégnée d’un pouvoir ancien, défiant et insidieux.
Ainsi, la légende de Säggä prit une tournure plus sombre encore. Elle n’était plus simplement la gardienne de la forêt, mais une force tourmentée, perpétuellement en lutte contre une puissance qu’elle-même avait attirée. Pour elle, cette guerre n’était ni quête de rédemption ni de vengeance, mais une bataille pour maintenir son emprise. Chaque fragment de Katalyst arraché à la terre était pour elle une victoire amère, chaque filon détruit semblait, paradoxalement, renforcer le lien entre elle et les ténèbres de la forêt.
Dans les profondeurs d’Aradii’yah, Säggä veille sans relâche, chaque fragment de Katalyst est un ennemi à détruire, chaque racine, un soldat de son royaume ténébreux. Elle se bat non seulement contre les intrus, mais contre cette essence muette et parasitaire, nourrie par sa propre malédiction, qui aspire à étendre son influence dans le sol même d’Aradii’yah. Tandis que les filons de Katalyst continuent de croître, une bataille invisible se déroule sous la canopée de la forêt, chaque victoire rapprochant Säggä d’un règne absolu – ou d’une chute inexorable, qui pourrait la voir, elle et son royaume, consumés par les ténèbres éternelles.